Gaz radioactif naturel, inodore et invisible, le radon est aujourd’hui considéré comme la deuxième cause de cancer du poumon, après le tabac. Sa surveillance, obligatoire en France, a évolué dans certains ERP et sur les lieux de travail… Les explications de Sébastien Boulisset, diagnostiqueur immobilier et référent radon du groupe Qualiconsult. 

Quelles sont les nouvelles obligations imposées à l’exploitant d’ERP en matière de radon ? 

Depuis 2004, les exploitants de certains ERP – établissements sanitaires et sociaux à capacité d’hébergement, des thermes et des prisons, enseignement de la maternelle au supérieur – situés dans les 31 départements prioritaires fixés par arrêté, étaient soumis à une obligation de surveillance décennale de l’activité radon dans le cadre du Code de la santé publique. Concrètement, le propriétaire devait procéder tous les dix ans à une surveillance du radon. 

En juin 2018, le décret n° 2018-434 est venu préciser la liste des ERP concernés : ajout des lieux d’accueil pour les enfants de moins de 6 ans, suppression des établissements d’enseignement supérieur présents initialement (cette dernière précision étant donnée par l’ASN et non par le texte réglementaire).

Le seuil de déclenchement des mesures correctives suite au dépistage du radon a également été modifié par ce décret. Auparavant, des travaux de remédiation devaient être réalisés si le radon dépassait le seuil des 400 Bq/m3, cette obligation est désormais déclenchée à 300 Bq/m3. 

Un deuxième texte – l’arrêté du 27 juin 2018 – a modifié les zones concernées par cette obligation de surveillance. Avec lui, on est passé de 31 départements prioritaires concernés à une échelle communale (7000 communes sur 72 départements).

Ces mesures sont entrées en vigueur le 1er juillet 2018. Depuis cette date, nous réalisons de nombreux contrôles radon dans les ERP implantés dans les communes nouvellement concernées par la problématique (zone 3 « potentiel élevé ») – ils ont jusqu’au 1er juillet 2020 – ou dans le cadre du recyclage de l’obligation décennale. 

Enfin, l’arrêté du 26 février 2019 est venu ajouter, outre les actions correctives à mettre en place au-delà du seuil de 300 Bq/m3, un seuil de concentration à 1000 Bq/m3 dont le dépassement (après réalisation des mesures correctives précitées) nécessite la réalisation d’une expertise pour, d’une part, identifier les causes de la présence de radon et, d’autre part, proposer les travaux à mettre en œuvre, afin d’abaisser la concentration au-dessous du seuil des 300 Bq/m3.

Autre disposition introduite par cet arrêté : l’obligation d’afficher un « bilan relatif aux résultats de mesurage du radon » près de l’entrée principale de l’établissement.

Ces deux mesures sont entrées en vigueur il y a quelques mois seulement, le 1er avril 2019.

Quid de la surveillance dans les lieux de travail ? 

Le décret n° 2018-437 est venu repréciser son cadre global. La surveillance radon des lieux de travail doit désormais être réalisée tous les cinq ans dans tous les lieux de travail (sous-sol et RDC), situés dans les communes à risque, et ce dans le cadre du DUER (document unique d’évaluation des risques). L’employeur doit au préalable réaliser une analyse des risques conduisant à nécessiter le dépistage (par ses soins ou par un tiers) ou non.

Les travaux de remédiation doivent également être conduits si la concentration du radon dépasse les 300 Bq/m3. 

Zoom : Le radon en chiffres

« D’après les évaluations conduites en France, le radon serait la seconde cause de cancer du poumon, après le tabac et devant l’amiante : sur les 30 000 décès constatés chaque année, 3 000 lui seraient attribuables (soit 10% des décès par cancer du poumon).Il serait responsable de 1200 à 2900 décès par an en France » (source IRSN).

Comment se déroule la prestation proprement dite ? Comment sa bonne réalisation est-elle contrôlée ? 

Les dépistages radon en ERP et dans les locaux de travail – dit « niveau 1 option A » – sont réalisés conformément à la norme  NF EN ISO 11665-8 complétée des décisions ASN. Il est nécessaire de faire intervenir un organisme agréé uniquement pour les ERP visés par la réglementation, on l’a dit l’employeur peut procéder lui-même au contrôle. 

Sur place, il faut parvenir à déterminer des zones homogènes de 200m2 maximum, en fonction des volumes du bâtiment, de son usage, du type de ventilation et de chauffage… Dans chacune, on pose un ou plusieurs dosimètres durant deux mois minimum, en période hivernale, les date sont également réglementées. .

Nous demandons donc au client de nous fournir le maximum d’informations possibles pour découper les zones en amont. Une pré-visite est plus pratique mais aussi plus chère. Une fois le dosimètre resté deux mois, il est envoyé en laboratoire pour analyse. Nous transmettons ensuite notre rapport au client ainsi qu’à Agende de sûreté nucléaire (ASN). L’Agence régionale de la santé (ARS) se charge du contrôle des ERP sur le terrain. Pour les locaux de travail, c’est l’inspection du travail qui s’en charge. 

En cas d’absence de mesurage décennal, d’absence d’expertise et/ou d’action corrective en cas de dépassement, ou en cas de mesurage sans agrément… le propriétaire risque une contravention de 5ème classe, prévue par le décret n° 2018-434 du 4 juin 2018. 

Par ailleurs, il existe également pour lui un risque pénal : on a vu des parents d’élèves et des salariés se retourner contre le chef d’établissement ou l’employeur pour non respect de la réglementation. 

Quelle remédiation est envisageable lorsque la concentration de radon dépasse les seuils autorisés ? 

Dans les ERP, des travaux doivent être réalisés dès lors que le seuil des 300 Bq/m3 est dépassé. Il faut alors mettre en place une solution de surventilation de la zone par laquelle entre le radon. Si ce seuil des 300 se maintient à l’issue d’un nouveau dépistage, il faut procéder à un dépistage de niveau 2, réalisé à l’aide de sonde mesurant l’activité sur 24-48h. À l’issue de celui-ci, des travaux d’étanchéité pourront éventuellement être envisagés. 

Dans les locaux de travail, ce même seuil des 300 Bq/m3 déclenche également la réalisation de travaux. À l’inverse, si deux dépistages font état d’une concentration inférieure à 100 Bq/m3 (becquerels), il n’est pas nécessaire de réaliser un nouveau dépistage dix ans plus tard. 

Zoom : Combien ça coûte ? 

Le prix de la prestation variera en fonction du nombre de zones homogènes et donc de dosimètres posés. Pour donner un ordre d’idée, on oscille entre quelques centaines d’euros pour une petite école de campagne à plusieurs milliers d’euros pour un important établissement scolaire.

Si « de plus en plus de maîtres et d’ouvrage et gestionnaires sont informés de leur obligation, quelques-uns ne les appliquent pas par méconnaissance. D’où la nécessité de poursuivre la sensibilisation de l’ensemble des professionnels », constate Sébastien Boulisset.