Optimiser la productivité en réduisant les actions non créatrices de valeur, c’est ce que propose la démarche Lean, venue de l’industrie automobile. Les explications de Xavier Motsch et de Thomas Durand, cogérants, consultants et formateurs au sein de la start-up LeanCo qui accompagne la maîtrise d’œuvre, et bientôt la maîtrise d’ouvrage, dans le déploiement de cette démarche dans le bâtiment.

Comment se décline le Lean à l’échelle d’un projet de construction/rénovation de bâtiment ?

Avant tout, il faut distinguer l’approche Lean à l’échelle du projet et à l’échelle d’un poste de travail. Dans le premier cas, le Lean permet d’optimiser et de sécuriser les délais de l’ensemble du projet de construction, en assurant une coordination optimale entre les différents intervenants. L’objectif est de s’assurer d’un passage de relais le plus fluide possible, sur chaque zone du chantier, et pour chaque entreprise.
Par exemple, pour organiser la gestion de projet, nous proposons à nos clients de remplacer leur diagramme de Gantt, souvent peu lisible et donc peu utilisé par un planning type « chemin de fer » coconstruit avec toutes les parties prenantes. Celui-ci reproduit sous forme de séquences duplicables l’ensemble des tâches à réaliser, de façon à créer un flux continu d’actions. 

Une méthode venue du Japon

Né et développé par le constructeur automobile Toyota, alors au bord du dépôt de bilan, le Lean vise à produire plus avec le même nombre de collaborateurs. Résultat : alors qu’en 1975, 70 000 collaborateurs fabriquaient 1 million de voitures, la production a été multipliée par trois en dix ans, à équipe constante.

L’approche Lean se déploie donc également au sein des postes de travail…

C’est le deuxième champ d’action. Nous accompagnons les entreprises dans le déploiement de la démarche Lean directement au sein des postes de travail. L’idée est de se concentrer sur la réduction des temps qui ne créent pas de valeur ajoutée pour le client (attentes, recherche d’informations, déplacements, reprises qualité…) afin de se dégager du temps pour améliorer son environnement et atteindre les objectifs fixés.
Pour cela, il faut avant tout amener l’équipe à prendre du recul sur leur manière de travailler. Le but étant qu’ils aient un regard critique sur leur organisation, pour en identifier les problématiques et les axes d’améliorations. Il ne faut pas perdre de vue que nous pouvons toujours nous améliorer. L’objectif est fixé par la direction, mais les améliorations doivent venir du terrain. Cela implique que toute la chaîne hiérarchique soit mobilisée. Le succès du Lean repose sur l’implication de tous.

Le déploiement du Lean risque de bouleverser l’organisation traditionnelle de la filière…

Le secteur du bâtiment devrait en effet connaître de grands changements dans les prochaines années. Le Lean, comme la maquette numérique d’ailleurs, vont connecter l’ensemble des parties prenantes d’un projet dans une dynamique proche de ce que l’on a pu connaître dans l’industrie. Avec l’objectif que chaque collaborateur réalise 100% des taches prévues au moment attendu.
La sensibilisation de l’ensemble de la filière – maîtrise d’ouvrage incluse – est donc l’un des gros enjeux des prochaines années.

Combien ça coûte ?

« Le retour sur investissement est la première question de nos clients, mais lancer un chiffre hors contexte irait à l’encontre du 1er principe du Lean, qui est de penser sur le long terme. L’idée n’est pas de rationaliser à tout prix, sans tenir compte de l’humain, ce qui a pu être reproché aux premières opérations de Lean management. De manière générale, avec les leviers évoqués plus haut, nous pouvons facilement réduire les délais de chantiers de 15 à 20 %, tout en diminuant la pénibilité et le stress des différents acteurs. Pour cela, nous favorisons la communication et apportons une vision claire et partagée des objectifs, pour tous. Le gain financier doit rester une conséquence et non l’objectif premier.»