Fin 2019, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) prévoit le lancement d’une nouvelle campagne de mesures dans les logements, pour faire le point sur l’évolution de la qualité de l’air intérieur depuis la première campagne de 2003-2005. Cette première étude avait révélé que de nombreuses habitations présentaient des moisissures. Les explications de Corinne Mandin, coordinatrice de l’OQAI.

Il y a quinze ans, la première campagne de mesures dans les logements a été lancée par l’OQAI. Quels ont été les principaux enseignements ?

La première campagne menée dans les logements a démontré que 15% des logements visités* présentaient des traces de moisissures visibles. Mais il existe également des moisissures invisibles, qui se cachent parfois derrière des armoires, des papiers peints…

Pour les détecter, dans le cadre de cette étude, nous avons développé une méthode permettant de mesurer les composés organiques volatils (COV) microbiens qu’émettent les moisissures, y compris quand elles ne sont pas visibles mais tout de même en développement dans le logement. Des traceurs spécifiques définissent un indice de contamination fongique (ICF), positif ou négatif. Et pour 37% des logements de la campagne, cet ICF a révélé des moisissures en développement. Soit tout de même plus de 9 millions de logements touchés par cette problématique. Un ICF positif est souvent associé à un dégât des eaux, une sur-occupation dans le logement (moins de 20 m2 par personne), et l’absence de rénovation récente.

Zoom : Détecter les moisissures avant qu’elles n’apparaissent

La méthode de l’ICF pour détecter les moisissures est coûteuse et difficilement accessible pour le particulier. Il n’existe pas encore d’appareil de mesure sur le marché, toutefois le CSTB travaille sur un biodétecteur fongique, qui calcule l’ICF toutes les six heures.

Cette problématique se retrouve également dans les logements neufs…

Dans le cadre d’une autre campagne de mesure de l’OQAI, des gestionnaires de bâtiments neufs ou rénovés se sont prêtés au jeu, et si les moisissures sont visibles dans 1% seulement des logements, l’ICF est quant à lui positif dans près d’un logement sur deux.

Ces chiffres nous alertent sur le fait que l’humidité est emprisonnée : en rénovation, l’enveloppe du logement (murs, toit, plancher bas) est rendue étanche pour réduire les déperditions d’énergie, mais la ventilation est souvent oubliée ; dans le neuf, les délais très courts des chantiers ne permettent pas de faire sécher les matériaux qui auraient pris l’humidité avant de les employer. Ainsi, une fois les bâtiments mis hors d’eau hors d’air, et où la ventilation mécanique ne fonctionne pas encore, les moisissures se développent. Mais c’est une problématique qui commence à être bien connue, et l’Ademe sensibilise les acteurs sur la nécessité de protéger les matériaux (ventilation du chantier, utilisation de sécheur…).

On sait aujourd’hui que les moisissures ont un impact sur la santé. Quelles sont les recommandations pour les éviter dans les logements ?

En effet, les moisissures ne sont pas sans conséquences, car elles dégradent la valeur financière du bâti et nuisent à la santé des occupants. Plusieurs études ont mis en exergue des effets allergisants, voire toxiques selon les types de moisissures. Lors de rénovations, il est alors recommandé d’installer un sytème mécanique de ventilation, a minima des entrées d’air aux fenêtres. Quotidiennement, il faut aérer son logement dix minutes, deux fois par jour, et limiter les sources d’humidité : cuisiner avec une hotte, faire sécher le linge sur le balcon ou dans une pièce aérée…

Enfin, lorsqu’intervient un dégât des eaux, il faut trouver la source et y remédier avant que ne se développent les moisissures. Dès lors qu’une grande surface est contaminée -soit l’équivalent d’une feuille A4-, il faut nécessairement faire appel à un professionnel, car les spores mis en suspension peuvent se révéler très toxiques.

À lire : un rapport d’expertise collective de l’Anses, publié en 2016, sur les moisissures dans le bâti, publié suite au lancement par les pouvoirs publics d’un plan d’action sur la qualité de l’air intérieur à l’automne 2013.

* Logements tirés au sort afin de disposer d’une représentativité de la situation des 24 millions de résidences principales en France.