Les 7èmes Défis Bâtiment Santé (4 juillet, Paris) se pencheront sur les liens entre rénovation énergétique et santé, avec un focus sur la trop faible prise en compte du radon. L’occasion de se pencher sur l’approche suisse, avec Joëlle Goyette Pernot. Déléguée radon de l’Office fédéral de la santé publique en Suisse, responsable du Centre romand de la qualité de l’air intérieur et du radon (croqAIR), elle est également responsable pour la Suisse du projet interreg Jurad-Bat. 

Pourquoi la prise en compte du radon est essentielle lors d’une opération de rénovation énergétique ?

Depuis plusieurs années, la littérature scientifique pose la problématique de l’augmentation de la concentration de radon après rénovation, et ce constat se confirme avec de nouvelles études récentes. À l’échelle de la Suisse Romande, sur un petit échantillon d’une cinquantaine de bâtiments dans lesquels des mesures ont été faites avant et après rénovation, on observe une tendance à l’augmentation de la concentration du gaz, d’autant plus marquée si la rénovation énergétique est globale et le bâtiment situé en région réputée à risque élevé en radon. 

Quand l’ensemble de l’enveloppe extérieure a été isolée (toiture, fenêtres, façades…), cette augmentation mesurée est d’environ 40% après rénovation ! Au Tessin des résultats similaires ont été obtenus et l’on note une augmentation de 33% de la concentration après remplacement des fenêtres traditionnelles par des fenêtres plus performantes. 

Comment expliquez-vous ce phénomène et comment y remédier ? 

En créant des « maisons thermos » pour empêcher l’énergie de sortir du bâtiment, on empêche aussi le radon de s’évacuer. Dans ces rénovations, l’étanchéité des surfaces en contact avec le terrain est rarement traitée. Il n’y a donc pas plus de radon qui pénètre dans le bâtiment après la rénovation, en revanche, après rénovation, il est piégé à l’intérieur. Ainsi, en Suisse où les logements traditionnels sont peu équipés de systèmes de renouvellement d’air, la concentration de radon augmente, mais pas seulement : c’est aussi vrai pour les COV, l’humidité, le développement des moisissures… 

Pourtant, des solutions existent. Soit on évacue le radon avant qu’il n’entre dans le bâtiment en allant le chercher directement dans le terrain (système du puisard radon équivalent à la mise en dépression du terrain), soit on l’empêche d’entrer dans le bâtiment en garantissant une bonne étanchéité des surfaces en contact avec le terrain. Enfin, si le gaz s’infiltre tout de même soit on l’évacue, soit on change l’affectation du sous-sol ou son accès afin d’éviter au mieux le contact avec les espaces de vie. 

Dans tous les cas la méthode choisie doit s’analyser au regard de nombreux critères : la nature du sol, la géologie, la nature constructive du bâtiment, la présence ou non d’un vide sanitaire… tout ceci, ainsi que la taille du bâtiment, a un impact sur le coût financier de l’opération. Le budget nécessaire peut donc s’étendre de quelques centaines à plusieurs milliers de francs suisses. 

Comment faites-vous monter en compétences les acteurs de la construction face à l’enjeu du radon ? 

La formation est un point clé de réussite et elle se renforce. Il y a quelques années, la formation dédiée au radon pour les acteurs du bâtiment était de 3 jours, elle est désormais de 6 jours : 4 en cours théoriques et 2 sur le terrain + 1 jour d’examen, à la fois écrit et oral.

Son approche est complète : elle présente ce qu’est la radioprotection, l’effet du radon sur l’organisme, ses origines géologiques, des notions de métrologie, depuis la mesure en elle- même jusqu’à son interprétation… puis, sur le terrain, on approfondit en détail les protocoles de mesure, l’analyse topographique des sols, du contexte du bâtiment, les mesures préventives pertinentes pour le neuf, les meilleures actions à mettre en œuvre pour remédier à une situation existante… Une 1⁄2 journée est aussi dédiée à la ventilation et au renouvellement d’air…

Enfin, les outils permettant d’aboutir à un résultat satisfaisant (notamment les appareils de mesure à positionner pendant plusieurs jours pour aboutir à un bon diagnostic), les aspects légaux et le chiffrage budgétaire des travaux préventifs ou d’assainissement sont aussi au programme.