Le bailleur social Lille Métropole Habitat vient d’intégrer le BIM pour la gestion de son patrimoine, après une étude poussée de ses besoins en la matière. Guillemette Lescure, chef de projet BIM pour LMH revient sur le déploiement de cette démarche, et ses avantages pour les gestionnaires de parcs de logements.

Comment LMH s’est-elle lancée dans le BIM ?

Nous avons vu poindre la question chez plusieurs bailleurs sociaux, et il nous a paru intéressant de nous renseigner sur le sujet. C’est un projet qui s’est déroulé en plusieurs étapes, avec une phase de préfiguration en 2016. Nous avons alors participé au groupe thématique consacré au BIM, piloté par l’USH.

Puis, pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de la question, nous avons rencontré d’autres bailleurs sociaux, notamment Habitat 76 et Habitat 29, très en avance sur le sujet. L’objectif était de déterminer ce que le BIM pouvait nous apporter, les moyens à mettre en œuvre, les coûts à y consacrer… Cette phase nous a permis de confirmer à notre gouvernance ses intérêts indéniables.

Vous avez ensuite lancé une phase d’étude pour cibler vos besoins…

Après avoir compris les enjeux, il nous a fallu appréhender le BIM : ce n’est pas qu’un logiciel ! C’est tout un processus collaboratif, une façon différente de travailler. Le BIM vise à créer de la donnée et apporter de la valeur sur notre matière première, à savoir nos bâtiments.

En 2017, nous avons lancé une étude avec le cabinet Aatiko et l’assistance à maîtrise d’ouvrage BIM in Motion, pour adapter le BIM à l’organisation actuelle de LMH, et à notre pratique future. Ils ont mis en exergue la problématique de la recherche de données sur le patrimoine, pour laquelle il fallait trouver un logiciel accessible à tous, afin d’être plus précis lors de nos interventions sur le parc, et disposer d’un historique de ces interventions.

Ces préconisations nous ont permis d’établir une feuille de route, puis fin 2017 d’adopter le plan et les scenarii d’intervention.

Zoom : Le choix d’un logiciel

Concernant le choix du logiciel, LMH a lancé un appel d’offres sous forme de dialogue compétitif. « Nous voulions avoir la maîtrise du format de données, et ne pas être tributaire d’un éditeur, avec des données propriétaires », souligne Guillemette Lescure. Deux éditeurs – Labéo (Abyla) et Sopra Steria (Active 3D) – sont venus dans un premier temps présenter leur solution, puis ils ont rencontré LMH une seconde fois, pour un plan de démonstration très précis de leur outil, via la maquette d’un des immeubles de LMH.

Le choix s’est porté sur Active 3D en octobre 2018. « Abyla est nettement préféré par les bailleurs, mais d’un point de vue 3D, Active 3D nous paraissait moins limité, avec une technologie plus avancée et plus précise au niveau du flux de données », ajoute la chef de projet. La mise en place du logiciel au sein des équipes de LMH se déroulera au cours du premier semestre 2019.

Votre équipe a suivi une formation sur le BIM ?

Nous avons choisi de centraliser la mise à jour des données autour d’une petite équipe, formée sur le sujet. Une personne en alternance est spécialisée dans les logiciels et la modélisation. Il analyse les maquettes que l’on reçoit, pour détecter clash, blanc, et soucis sur des objets.

Nous avons d’ailleurs à ce sujet acquis le logiciel Solibri Model Checker, afin de développer des règles de contrôle et de suivi des maquettes : par exemple pour contrôler la taille des pièces. Un collaborateur s’occupe davantage de la gestion de données, et deux assistantes aident à la constitution des dossiers patrimoine, pour lesquels il faut aller chercher les plans des immeubles, récupérer les éléments techniques afin de les intégrer dans la maquette. Seule la numérisation des bâtiments sera externalisée, car cela nous paraissait plus efficace.

Quels sont les avantages pour LMH, et les gestionnaires de biens en général ?

Pour nous, le BIM est désormais essentiel. Les gestionnaires ont tout intérêt à y passer, pour pouvoir mieux connaître et gérer leur patrimoine. Il permet de gérer plus efficacement nos données. En effet, le BIM permet d’accéder plus rapidement aux informations : par exemple en visualisant un plan avec l’emplacement exact d’une vanne de coupure, plutôt que via un document Excel qui décrit avec des mots où elle se trouve. Lors d’interventions lourdes en réhabilitation, nous pourrons nous baser sur des éléments plus précis, et réduire la durée des études préliminaires. Le suivi des interventions techniques permettra également de déterminer plus rapidement quels bâtiments sont les plus coûteux.

Et, dans la gestion courante, les données recueillies nous permettrons de commander les quantités au plus juste… C’est ainsi que nous créons de la valeur via le BIM. Une fois l’ensemble de notre patrimoine numérisé, l’objectif est d’avoir une programmation de travaux à 5 ans, voire 10 ans.

Zoom : Combien ça coûte ?

En termes de coûts, l’étude menée en amont a estimé à 300 000 euros la mise en œuvre du BIM chez LMH pour l’acquisition du logiciel. « Nous avons finalement été en peu en deçà de l’estimation, mais cela dépend surtout des attentes, et de la qualité des archives dont on dispose au préalable. C’est la numérisation du parc qui coûte le plus cher. Détenir des plans permet de réduire la facture, contrairement au fait de remétrer tous les bâtiments. » Pour LMH, l’estimation du coût de numérisation se situe entre 50 et 70 euros par logement.

Les nouveaux projets de construction bénéficient également du BIM ?

En effet, depuis un an et demi, LMH impose dans ses consultations la production d’une maquette numérique. Nous avons commencé à dialoguer avec les maîtres d’œuvre, pour leur indiquer nos attentes vis à vis de la maquette et la façon dont elle doit être structurée : selon le format, le niveau de détails, et la nomenclature des éléments, notamment.

En effet, ce qui nous intéresse avant tout, c’est de disposer d’éléments présentant leur dimensions exactes et leur fiche technique liée, même si la représentation de l’objet s’avère simple, pour ne pas alourdir la maquette. Il faut noter qu’il existe toutefois une énorme différence entre les logements entièrement modélisés par des architectes, de façon très précise, et le patrimoine existant numérisé.

Et aujourd’hui, où en est le déploiement du BIM chez LMH ?

Nous disposons actuellement d’un peu plus d’un millier de logements construits ou réhabilités en BIM, sur un parc total de 33 000 logements. En ce qui concerne l’acquisition numérique du parc, nous avons prévu de l’étaler sur trois ans : en 2019, nous espérons numériser 6000 à 7000 logements, et 10 000 pour les deux années suivantes.

Quels conseils donneriez-vous aux bailleurs sociaux qui souhaiteraient se lancer dans le BIM ?

Une des contraintes principales, c’est que le BIM coûte cher, car il faut acquérir un système informatique pour traiter les données, puis numériser l’ensemble du parc. C’est aussi un sujet complexe. Il faut prendre son temps pour bien comprendre le BIM, analyser sa situation afin de le mettre en œuvre selon les spécificités de son parc de logements et de ses besoins. Mais la plus-value est de taille : on sait quand une baignoire a été changée, l’âge de chaque chaudière… C’est un vrai tournant, qui révolutionne notre façon de gérer le parc !

Il faut également prendre le temps de se former, pour appréhender la maquette, s’en servir et en tirer tous les avantages. C’est notre rôle, en tant que maître d’ouvrage, d’insuffler une dynamique avec le BIM.

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