Xerfi-Precepta s’est penché sur le « boom des services d’efficacité énergétique », qui attise la concurrence entre sociétés de conseil, spécialistes des CEE et énergéticiens. L’analyse de Pierre Paturel, directeur de l’étude.

Pourquoi le marché français des services d’efficacité énergétique est-il si prometteur ?

Le marché français des services d’efficacité énergétique (hors financement) représente près de 5 milliards d’euros en 2019, répartis entre des prestations d’analyse/diagnostic (600 millions), les études et l’ingénierie (2,2 milliards) et les services d’installation et de pilotage des systèmes (2,1 milliards).  En croissance rapide et régulière, il a bondi de 32% en valeur depuis 2015.

Ses trois grands moteurs sont l’action publique (réglementation, aides financières…), la hausse des prix de l’électricité et la montée des préoccupations environnementales. Sans oublier l’impact positif des innovations technologiques comme les LED et l’écosystème lié à l’Internet des objets (IoT). Ces facteurs structurels persisteront à moyen terme alors que les contraintes réglementaires vont se durcir, en particulier avec le futur décret tertiaire.

La volonté de réduire la consommation énergétique des bâtiments a été réaffirmée par l’Etat, notamment à travers les objectifs de la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) quivise une baisse de 7% de la consommation finale d’énergie en 2023 puis de 14% en 2028 par rapport à 2012. Le gouvernement ne cache pas non plus son ambition d’étendre encore le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE).

Voilà quelques exemples de nature à soutenir la croissance du marché qui devrait atteindre près de 5,5 milliards d’euros (dont 2,45 milliards pour le segment de l’exploitation/installation/maintenance et 2,35 milliards pour celui des études et ingénierie) d’ici 2021, selon nos prévisions. Compte tenu de la bonne orientation de la demande, les sociétés de conseil en efficacité énergétique (hors GreenFlex) enregistreront une hausse de 11% par de leur chiffre d’affaires entre 2019 et 2022, d’après nos calculs. Bref, les services d’efficacité énergétique affichent une santé insolente.

Un tel dynamisme aiguise forcément les appétits ?

Marché d’offre presque autant que de demande, les services d’efficacité énergétique attirent en effet de nombreux nouveaux acteurs, créés ex nihilo ou venus d’autres métiers. Ce qui dynamise la croissance tout en maintenant une concurrence importante. Nous avons distingué plusieurs grandes catégories d’opérateurs dont les sociétés de conseil déjà évoquées.

Fournisseurs de matériels, les équipementiers sont de plus en plus présents dans les services. C’est d’autant plus vrai que l’essor des solutions connectées facilite le rapprochement des fournisseurs d’équipements avec leurs utilisateurs. Les grands équipementiers comme Schneider Electric et Siemens, mais aussi les géants du numérique, revendiquent dès lors une part croissante du marché, notamment par le biais de leurs plateformes de services cloud.

Les acteurs du BTP ont, eux, intégré toute la chaîne de valeur de la construction. En clair, ils sont désormais capables de proposer des solutions d’efficacité énergétique (SEE) clés en main ou spécifiques. Et ils ne manquent pas d’atouts entre leur expertise multi technique, leur connaissance des marchés publics et leur maillage territorial.

Pour leur part, les énergéticiens historiques (EDF, Engie) bénéficient d’une importante capacité de prescription et d’une diversification historique dans les SEE à travers leurs filiales spécialisées (Dalkia, Cofely, etc.).

De nouveaux fournisseurs (énergéticiens étrangers, indépendants des EnR…) devraient également tirer parti de la libéralisation des marchés de l’énergie et de l’essor de l’autoconsommation pour percer sur le marché des SEE. Enfin, le développement et la diffusion rapides des technologies IoT et IA favorisent la création et la croissance de start-up spécialisées comme les françaises Metron ou Deepki, pour la plupart positionnées sur les solutions de supervision et de management de l’énergie.

Pourtant, cet afflux de nouveaux acteurs de petite taille ne perturbe pas franchement le jeu concurrentiel. D’abord, parce que le marché, en pleine expansion, offre des opportunités d’affaires pour tous les opérateurs performants. Ensuite, parce que les grands groupes leaders prennent le soin de s’attacher les acteurs les plus prometteurs via des partenariats ou des acquisitions. C’est ainsi que la domination historique des grands groupes du bâtiment et de l’énergie, qui ont fait du développement des SEE un axe prioritaire de développement à moyen terme, n’est pas prête d’être remise en cause. Ils ambitionnent en effet de jouer les maîtres d’œuvre des grands chantiers d’efficacité énergétique.

Comment les acteurs s’organisent-ils pour capter la croissance du marché ?

À l’avenir, l’efficacité énergétique sera de plus en plus interdépendante d’autres transformations. Les services de management de l’énergie seront inclus dans l’ensemble plus vaste du smart building dans le tertiaire et l’habitat ou encore de l’industrie 4.0.

De la même façon, la prise en compte des CEE s’avère cruciale pour le dynamisme futur de ce marché. L’une des priorités des acteurs est donc d’offrir des offres intégrées pour s’imposer comme un interlocuteur unique auprès des clients. Une perspective qui favorise les grands groupes et les champions du numérique.

D’autres opportunités d’affaires sont à saisir dans le domaine du photovoltaïque en autoconsommation pour les nouveaux entrants venus des EnR ainsi que pour les acteurs historiques de l’efficacité énergétique. Les petits opérateurs misent pour leur part sur une spécialisation pour obtenir des contrats en sous-traitance des grands groupes dans l’espoir de se positionner comme un partenaire stratégique incontournable.